"JE REVIENS DE SUITE"
ENTRE DEUX PORTES
Pensée comme un lieu d’expérimentation pour les artistes, cette vitrine s’inscrit dans la lignée de la mission de JAP, à savoir privilégier la sensibilisation pour tous à l’art contemporain.
« JE REVIENS DE SUITE »
Ana Jotta et Pierre Leguillon proposent « Je reviens de suite », une pièce sans texte ni interprètes pour le « Teatrino/Palermo », la réplique d’un théâtre de marionnettes créé en 1964 par le peintre allemand Blinky Palermo. L’original a d’ailleurs déjà été exposé à Bruxelles, en 1988, non loin de la rue de Namur, rue Ravenstein, où Marie-Puck Broodthaers tenait la Galerie des Beaux-Arts.
À l’occasion du Nouveau Festival du Centre Pompidou à Paris, en 2009, Pierre Leguillon a commandé une réplique de ce théâtre à l’artiste Clément Rodzielski, qui en a proposé une version en noir et blanc. Le castelet pliant a depuis voyagé à New York (Renwick Gallery, 2010), ou plus récemment à Bruxelles (Wiels, 2015).
À chaque présentation, il a fait l’objet de mises en scène variées, ouvrant sur d’autres espaces, devenant un lieu de projection ou de conférence, voire un personnage à part entière. S’y sont succédé-e-s des artistes aussi différent-e-s que Moyra Davey, Jean-Luc Moulène, Valérie Mannaerts, Boris Charmatz, Aglaïa Konrad, Isabelle Cornaro, Cécile Bart, Ricardo Valentim, Sébastien Capouet, Nathalie Du Pasquier, Koenraad Dedobbeleer, Conny Purtill, etc.
Ana Jotta et Pierre Leguillon avaient déjà réalisé une performance ensemble au sein du Teatrino/Palermo au Wiels, mais cette nouvelle collaboration – qui expose un théâtre sans public, des rideaux fermés, et une pancarte annonçant : « Je reviens de suite » – peut se lire à l’aune du drame que vivent les commerces, les théâtres et les musées, aujourd’hui contraints à la fermeture. Car en croisant un panneau « Je reviens de suite », on ne sait jamais depuis combien de temps il a été posé, ni le temps objectif que signifie ce : « de suite ».
Glaneuse et collectionneuse, Ana Jotta aime s’approprier des objets trouvés, des papiers oubliés, abandonnés… Ici, après avoir chiné un petit tableau représentant un rameur s’éloignant vers le large, au soleil couchant, elle l’a décliné sous la forme d’un motif, à regarder comme les photogrammes d’un film se déroulant à l’infini – à moins que ce film ne tourne en boucle (« On rame ! »).
Le rideau de velours est bien sûr un clin d’œil au rideau de scène mais il ouvre cette fois sur les coulisses, invitant le spectateur à glisser un œil par la fente comme dans un peep-show. Mais que ce joue-t-il ici ? Peut-être l’éternel retour de la peinture.
Les « marionnettes » du théâtre, de leur côté, attendent indéfiniment que la pièce daigne vouloir commencer. Elles figurent surtout un hommage appuyé des deux artistes au génial Rafael Bordalo Pinheiro (1846–1905), caricaturiste, homme de théâtre et surtout grand céramiste portugais, dont l’œuvre et la fantaisie perdurent grâce au musée qui lui est consacré à Lisbonne.
À l’occasion de cette exposition, JAP publie « AJ/PL », un livre de Pierre Leguillon pour Ana Jotta (bilingue français/portugais), qui prolonge le jeu de ping-pong visuel auquel s’adonnent les deux artistes depuis plus d’une dizaine d’années. Il sera disponible sur le site internet de JAP début mai.
ANA JOTTA
Ana Jotta est née en 1946 à Lisbonne, où elle vit et travaille. Après un an passé aux Beaux-Arts de Lisbonne (1964), elle fuit le Portugal et intègre l’École d’Architecture et d’Arts visuels de La Cambre à Bruxelles, jusqu’en 1966, où est la seule élève de l’atelier de tapisserie de haute-lisse.
Dans les années 1970, elle embrasse une carrière d’actrice et de scénographe, aussi bien pour le théâtre que pour le cinéma. Elle travaille avec Osório Mateus, qui fonda la chaire d’Histoire théâtrale à la Faculté de lettres de Lisbonne.
Elle se consacre pleinement aux arts visuels à partir des années 1980, s’emparant de tous les médiums : peinture, dessin, broderie, sculpture, installation…. La lettre J (« Jotta » en portugais signifie « J »), devient très vite sa signature. Elle l’entoure d’un cercle comme celui du copyright pour mieux s’approprier et transformer tout ce qui lui passe sous les yeux ou entre les mains. Si elle échappe volontairement à toute forme de style, elle distille dans son œuvre un humour acide qui nourrit aujourd’hui également son (très prolixe) compte Instagram.
La Fundação de Serralves, Porto lui a consacré une rétrospective en 2005, et parmi ses expositions personnelles, on peut citer : Culturgest, Lisbonne et Porto (2012, 2014, 2016) ; Casa São Roque, Porto (2019) ; Level One, gb agency, Paris (2013) ; Le Crédac, Ivry-sur-Seine (2016) ; Les Établissements d’en face, Bruxelles (2016) ; et plus récemment à la Temporary Gallery, Cologne (2018) ou chez Greengrassi, Londres (2019).
Elle a reçu le Grande Prémio EDP au Portugal en 2014 ; le prix de l’AICA (Association des Critiques d’art, section portugaise) aussi en 2014 ; et le Prix Rosa Schapire, remis à la Hamburger Kunsthalle à Hambourg en 2017. Elle est représentée par les galeries Miguel Nabinho à Lisbonne, ProjecteSD à Barcelone et Greengrassi à Londres.
PIERRE LEGUILLON
Pierre Leguillon est né en 1969 à Nogent-sur-Marne, en France ; il vit à Bruxelles. Après une formation en Arts plastiques à l’Université de Paris 1–Panthéon-Sorbonne (1989–1992), il débute sa carrière en tant qu’éditeur et critique d’art. Pendant une quinzaine d’années, il a privilégié la forme du diaporama, puis celle de l’exposition, notamment avec sa « rétrospective imprimée » de Diane Arbus (Fondation Kadist, Paris, 2008).
Artiste protéiforme, il travaille essentiellement sur la production et la reproduction d’images dont il possède une importante collection, aujourd’hui réunie au sein de son Musée des Erreurs, basé à Bruxelles (The Museum of Mistakes, Edition Patrick Frey, Zurich, 2020). Ses collections sont mises en scènes au sein d’installations mais aussi de livres d’artistes (Ads, Triangle Books, Bruxelles, 2020), ou de dispositifs comme La Promesse de l’écran, un bar clandestin ouvert à Paris en 2007, qui s’est installé ensuite dans de nombreuses villes (Bordeaux, Vienne, Annemasse, New York, Beyrouth, Oïta, Philadephie, etc.) à l’invitation de musées, de centres d’art, mais aussi de particuliers.
Son travail a notamment été exposé au Cneai, Chatou, France (2006) ; au Louvre, Paris (2009) ; au Mamco, Genève (2010) ; au Moderna Museet, Malmö (2010) ; et plus récemment au Wiels, Bruxelles (2015), au Mrac, Sérignan, France (2015) ; à The Island Club, Limassol, Chypre (2019) ; à la Fondation d’entreprise Ricard, Paris (2019) et au Frye Museum, Seattle (2019). Il a été lauréat de la Villa Médicis, Académie de France à Rome en 2003. Il enseigne à la HEAD, Haute École d’Art et de Design de Genève.
EXPOSITION VISIBLE DU 14.04.21 AU 30.05.21
DU MARDI AU SAMEDI 10:30 > 18:30.
ENTRE DEUX PORTES: 64, RUE DE NAMUR 1000 BRUXELLES